Fig. 3. - Castrum de Châlucet-Bas : Plan partiel de la partie nord du castrum, état 1999. Les zones tramée au point correspondent aux secteurs fouillés en 1999. Murs hachurés : murs reconnus en fouille. Équidistance des courbes : 1 mètre. A l'extrême gauche : la tour Jeannette (relevés : fonds Cabinet Veyrier, complété par l'équipe de recherches archéologiques. E.RA.C., dessin : P. Conte).
La seconde zone étudiée correspond à une partie de l'espace interne du seul bâtiment portant encore une élévation significative dans le secteur du village. Cette élévation10, étudiée en 1998 par B. Pousthomis11 dans le cadre des interventions préalables aux travaux de stabilisation et de mise en sécurité des ruines, comporte quatre niveaux sur une hauteur totale de 12 m. Elle forme le mur occidental d'une bâtisse à plan rectangulaire (mais proche du carré : 5,10 sur 6,80 m), soit une superficie interne d'environ 35 m2. Ce haut mur possède trois retraites qui déterminent quatre niveaux d'étages. Chaque étage possède une baie vers l'ouest, côté Ligoure, mais seules celles des ler et 2e étages sont équipées de coussièges, ce qui permet d'attribuer une fonction résidentielle à ces deux niveaux. La fouille de 1999 n'a porté, pour des raisons de sécurité, que sur l'angle interne de ce mur et du mur sud du bâtiment12. L'espace dégagé correspond à un rez-de-chaussée, peut-être légèrement enterré comme le laisse supposer le décrochement situé au bas d'une nouvelle ouverture - probablement l'accès à la pièce - découverte dans le mur sud. Une banquette aménagée le long du parement interne du mur ouest équipe cette salle basse. La baie, en situation haute dans le mur, devait comporter une simple fente d'éclairage; elle évoque celles, de plus grandes dimensions, que l'on peut observer dans certains rez-de-chaussée du Haut-Châlucet. Le mobilier archéologique recueilli au pied de la banquette comprend fragments céramiques et ossements animaux. La céramique oriente la datation de la dernière occupation de cette salle entre le milieu du XIIIe s. et la fin du XIVe s.
L'essentiel du chantier 1999 a cependant porté sur le « coeur » de l'agglomération située au nord de la tour « Jeannette ». A partir des premiers vestiges mis au jour lors du sondage de 1998, l'équipe a mené sur quelque 160 m2 un décapage destiné à percevoir rapidement l'emprise des bâtiments et leur organisation. La fouille 1999 confirme la présence d'un bâtiment à vocation résidentielle repéré en 1998. C'est une construction à plan quadrilatère irrégulier d'une superficie interne de 57 m2 (C, fig. 3). Bien que sa fouille ne soit pas totalement achevée, de nombreux aménagements ont pu être étudiés. Ce bâtiment possédait à l'origine un étage (ou comble aménagé ?), sa toiture était formée de tuiles à rebord13 et de tuiles courbes dont on a retrouvé de nombreux exemplaires dans la couche d'effondrement. Le nombre d'ouvertures reste délicat à préciser vu le degré d'arasement des murs. Deux accès ouvraient, l'un vers l'est sur une rue, l'autre vers l'ouest vers un autre bâtiment. Dans ce dernier cas, on notera que les deux constructions étaient mitoyennes. Une baie située dans le mur oriental, près de la porte, dispensait l'éclairage naturel du rez-de-chaussée du bâtiment. Sa disposition permettait également l'éclairage de la descente de cave. La fouille de l'espace interne de la construction a livré de nombreux autres aménagements : foyer construit ou simple zones de combustion, banquette située le long du mur sud14, restes probables d'une cloison en matériaux légers délimitant une partition du volume interne.
Fig. 4. - Castrum de Châlucet-Bas : La cave du bâtiment central (secteur 4, unité II). Débouché de l'escalier d'accès dans la salle. On remarque les marches taillées dans le rocher. A droite : une niche entourée des impacts d'outil de creusement (mire de 1 mètre) (photo : P. Conte.
Dans le même bâtiment, une vaste cave aux contours irréguliers a été intégralement fouillée (fig. 4). Elle s'étend sous le bâti jusqu'à la construction mitoyenne située à l'ouest. Par ses dimensions (33,5 m2) et l'aménagement de son accès - escalier à simple volée de 15 marches et entrée maçonnée équipée d'une porte à linteau en arc surbaissé - cette cavité s'apparente plus aux espaces souter- rains urbains tels ceux que l'on peut encore observer à Limoges sous la Cité ou le Château qu'aux cavités rurales médiévales. La cave étudiée, par ses dimensions et la qualité de son architecture témoigne de l'importance des espaces de stockage au sein des maisons du castrum de Châlucet. Certains indices, qui restent d'ailleurs à confirmer lors des prochaines campagnes, laissent penser que ce type d'aménagement a pu être fréquent sur le site. Du point de vue du mobilier archéologique, le remplissage de la cave a livré, sous les importants remblais d'occlusion de la galerie d'accès, quelques objets métalliques (éléments d'huisserie) et des éléments de plusieurs poteries à usage domestique (marmites, pichets ou cruches). Ce matériel est comparable à celui découvert sur le sol d'occupation du bâtiment qu'une monnaie 15 contribue également à situer dans la deuxième moitié du XIVe s. ou au début du XVe s. (fig. 5).
Fig. 5. - Castrum de Châlucet-Bas Mobilier céramique médiéval de la cave (secteur 4, unité 11). 1 à 3 : marmite (oule) en pâte grise. 4 à 7 : rebords de formes fermées (cruches ou pichets) en pâte ocre-orange. Les rebords 6 et 7 portent une glaçure extérieure verte. 8 à 10 (et n° 6) : décors en relief des formes ouvertes en pâte ocre-orange. 6 et 9 : décor d'écailles sous glaçure verte. 8 et 10 : décor de pastilles en relief sous glaçure verte. On note également pour le fragment n° 8 des coulures de glaçure brune. 11 et 12 : fragments de vases à paroi fine et blanche, glaçure translucide blanchâtre et décors de ligne verte (n° 11) et brune (n° 12); ces deux tessons sont probablement des céramiques originaires de Saintonge. 13 et 14 : fragments de bases de formes fermées (dessin : M. Liboutet, E.R.A.C.).
La seconde campagne du programme 1999-2001 s'attachera a étendre l'emprise de la fouille aux bâtiments contigus, avec l'objectif d'étudier de la manière la plus précise un îlot d'habitations du village castral, en complétant ponctuellement les données sur l'enceinte, avant d'étudier la tour « Jeannette » et les bâtiments qui lui sont directement associés.
(1) Cf. P. CONTE. « Nouvelles recherches... », BSAHL , CXXVII. 1999, P. 278-- 284.
(2) Réalisé par une équipe du Bureau d'études archéologiques Hadès (dir. B. Pousthomis).
(3) Dans ce but, une étude de mise en valeur touristique a été commandée par le Conseil général à un cabinet spécialisé en la matière.
(4) Le bilan de ces recherches étant actuellement en cours d'élaboration, il n'a pas été possible d'introduire dans cette chronique les résultats des travaux engagés sous la direction de B. Pousthomis. Pour un premier compte-rendu de cette importante opération, ainsi que pour l'intervention sur le bâtiment à contreforts situé sur le tracé de la lice, se reporter au Bilan Scientifique Régional 1999 édité par le Service Régional de l'Archéologie (DRAC, ministère de la Culture)
(5) Ch. RÉMY, « Châlucet, le Limousin et l'architecture de flanquement", art. à paraître dans les Actes du colloque consacré aux Fortifications dans les espaces Plantagenêt. XIIe-XIIIe siècles, qui s'est déroulé à Poitiers, en 1994. Du même, Le château de Châlucet et le patrimoine de maître Géraud de Maulmont, mém. de DEA inédit, Univ. Poitiers, 1995. Du même, dans une version " tout public » Châlucet. Dans le mystère d'une forteresse médiévale, CD-Rom, édité par Ultime, Limoges, 2000. Enfin, toujours du même mais avec l'appareil critique, « Châlucet et les châteaux de maître Géraud de Maulmont », dans Bulletin monumental, à paraître.
(6) J.-P. BABELON et Ch. RÉMY, « Les châteaux de Bourdeilles », Congrès archéologique de Périgord, Paris, 1999, p. 119-142.
(7) Sur cette enceinte basse du castrum d'Aixe, cf. A. PETIT, « Les boiseries de la chapelle des Du Barry dans le Verteil d'Aixe, XVe siècle », BSAHL, LXXIII-2, 1931, p. 500-507.
(8) La collection de carreaux de pavement provenant du « château neuf » de Châlucet, constituée par des dons et diverses opérations de fouilles, est actuelle- ment à l'étude (P. Conte) et devrait être publiée prochainement.
(9) P. CONTE, « Nouvelles recherches... », op. cit., note 1. : voir plan (fig. 1, p. 280). La zone concernée porte le numéro 1.
(10) Ibid., fig. 1, p. 280 : zone C (ici : B, fig. 3).
(11) Voir description dans B. POUSTHOMIS « Saint-Jean-Ligoure, Châlucet », Bilan Scientifique 1998. Service Régional de l'archéologie. Direction Régionale des Affaires Culturelles du Limousin, Limoges, 1999, p. 49-50.
(12) Sur 6,5 m2 soit 20 % environ de la surface interne.
(13) P. CONTE, « Nouvelles recherches... », op. cit., note 1 (voir fig. 2, p. 283).